«Delacroix, lac de sang hanté des mauvais anges» C. Baudelaire
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«Saint-Sulpice est en perpétuel lever de rideau.» (page 32)
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«Il existe un vieux mot de vénerie, connaissances, pour désigner l'empreinte de la bête chassée. Le destin des êtres qui passent sans connaissances me subjugue par son impossibilité.» (page 189)
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«Retire-moi de la boue! Que je n'y reste pas enfoncé.» (page50 et passim)
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En 2001, c’est à une promenade-célébration que nous conviait J.-P.Kauffmann avec un texte qui tient du fragment autobiographique et du commentaire d’art mené comme un roman policier (façon Maigret dont il se réclame) . Il y racontait son amour pour Saint-Sulpice et sa fascination pour le tableau de Delacroix, LA LUTTE AVEC L’ANGE.
L’ange sera-t-il son sujet (1)? Plutôt la lutte, le passage (conquis ou interdit), mais aussi l’usurpation et...le nom. Jacob, l'usurpateur, le suppléant dans une histoire complexe où un Jacob peut en suppléer un autre....
Un lieu
Mettant ses pas dans ceux de Huysmans, Barrès (le «sonore»), Mauriac, Audiberti, cet anti-guide passionné nous invite à regarder cette église si injustement décriée (on confond saint-sulpicien et Saint-Sulpice):il en rappelle les agents (dont l’étonnant et “insaisissable” Servandoni) et les étapes de la construction, les infortunes, les changements d’état sous la Révolution, les réparations incertaines, les chantiers interminables. Il dit parfaitement la théâtralité de l’extérieur, le classicisme de l’intérieur et, avec l’aide du sacristain, nous fait visiter des espaces à peine croyables. Hypersensible aux odeurs, aux parfums, aux bruits (2), à la musique du sublime orgue, il nous décrit un espace voué à l’inhabituel dit-il et qui lui est presque devenu intime.
Malgré bien des prédécesseurs célèbres, personne ne vous dira aussi bien les coins, les recoins, les surprises de cette église et la force motrice des Saints-Anges «le principal agent de la circulation du sang de l'édifice.»
Si, en dehors des croyants du quartier et de quelques amoureux d’architecture (3), on entre encore dans Saint-Sulpice c’est avant tout pour regarder dans la chapelle des Saints-Anges les trois œuvres de Delacroix (au plafond, SAINT MICHEL TERRASSANT LE DRAGON, sur le mur droit, HÉLIODORE CHASSÉ DU TEMPLE et, en face, LA LUTTE DE JACOB ET DE L’ANGE) qui lui coûtèrent bien des efforts, engendrèrent des doutes, provoquèrent des déceptions. Le travail long, difficile pour de nombreuses raisons matérielles (aspérités du mur, enduits) fut aussi souvent interrompu parce que contemporain des grands cycles du Louvre et de l’Hôtel de Ville. Kauffmann laisse entendre qu'il est aussi d'autres raisons de blocage et une autre lutte. C’est JACOB qui retient l’attention des visiteurs et obsède autant Kauffmann qu'il obséda Delacroix. «La chapelle est l'œuvre de sa vie.»
Avec ce choix du passage de la Genèse, les questions se précipitent. Qu'est-ce que ce passage du Yabbock (dans le livre de Kaufmann, il n'est que question que de passages)? Pourquoi cette lutte? Pourquoi ce changement de nom? Pourquoi autant d'attention de la part du peintre? S'agit-il d'une lutte avec ou contre l'Ange? Où est Delacroix («l'opposant de toujours, l'impénétrable, l'agresseur») dans cette scène? Avec ce «roublard» de Jacob, le duel est-il détachable de l'histoire du père (Isaac) trompé et du frère (Ésaü) volé et de cette bénédiction dérobée comme souvent dans les familles? Quelle est l'importance d'un nom («Et pourquoi me demandes-tu mon nom»)? Peut-il être une blessure, une croix?
Soyez prévenus d'emblée:ce lieu merveilleux, cette toile célèbre présentent des risques de vertige, de noyade, d’absoption, d'emprisonnement.
Delacroix
Au rythme d’une apparente improvisation qui mêle grande histoire, biographie, journal intime, rencontres (donnant lieu à de beaux portraits-certains cruels) et histoire du bâtiment, par petites touches, par vrais et faux détours, Kauffmann nous présente Delacroix, l’homme, le peintre et son projet pour Saint-Sulpice.
Nous découvrons quelques aspects qui peuvent cerner l’artiste tout en sachant qu’il a toujours su se protéger (4):un homme fortement ambivalent, un misanthrope urbain et cruel, un dandy dédaigneux mais peu sûr de lui, un homme près de son argent qui ne vit qu’avec une servante (pour qui il a toutes les attentions) et qui, dans ses «amours» craint le fiasco sexuel; un austère hédoniste, un mondain qui court vite se réfugier à la campagne ou chez des parents plus ou moins lointains (son cousinage est immense); un peintre impatient mais toujours maître de lui, un moderne (alors) qui ne croit en rien à la modernité.
Kauffmann ne néglige pas la légende de la paternité contestée (était-il le fils de Talleyrand?) que le peintre connaissait sûrement (tout le monde l’évoquait, même Balzac dans LA RABOUILLEUSE) et dont il ne parle jamais...directement. Kauffmann rappelle la place immense d'Hamlet dans la peinture de Delacroix mais cherche aussi longuement du côté des frères, de l'un en particulier, mort très jeune à Friedland. À partir d'une photo de Nadar et une autre de Petit (négligeant Carjat), il évoque ce que fut Delacroix vieillissant.(5)
Plus profondément, Kauffmann réfléchit à l’agnostique qui parle de Dieu et peint beaucoup de Christ et de personnages bibliques; il médite sur la présence du Mal dans sa peinture dont la couleur serait une rédemption. Il a aussi de justes propositions sur la place de l'art dans la vie du peintre («Delacroix a mis sa peinture dans sa vie. Non l'inverse. (...) Sa vie n'a été tendue que par un seul but.»). Auparavant, il définit l'union des contraires qui caractérise vie et œuvre « L'ombre et la lumière, le romantique et le classique, la mesure et la démesure : Delacroix a toujours vécu dans l'accord de ces raisons opposées.»
luttes
Sur cette base nous suivons le détail des étapes de la création des tableaux de la chapelle, les emballements du début («L'ouvrage lui importe plus que tout»), les atermoiements, les désespoirs, les fuites devant la toile. Ce qui enthousiasmait le peintre au début (cette guerre pour une œuvre, cette place assiégée, cette geôle consentie), au fur et à mesure, se transforma, la maladie s’en mêlant, en une «chapelle-cachot» et une torture qu’il ne dépassa que par un effort que Kauffmann rend parfaitement (dans «Je crois que j'y mourrai») et pour un succès très limité au moment de l’inauguration.
Le visiteur «monomaniaque» de Saint-Sulpice aura donc cerné plusieurs combats :La lutte, la lutte dans le tableau (qui couvre bien des secrets) et la guerre pour la LUTTE comme tableau. Dans ce cadre labyrinthique, Jean-Paul Kauffmann aimanté par toute œuvre de Delacroix, examine le combat comme motif pictural (il évoque évidemment un duel (étrange sur bien des plans)) mais ce combat est aussi un combat (exténuant) du peintre avec l’œuvre (6) et avec lui-même. Il lui semble que parfois, dans ses dérobades, le peintre ait eu peur…Mais la victoire est là: «Le corps, "cette guenille", comme il le qualifiait parfois avec mépris, n'est plus qu'un objet matériel sommé d'obéir. Comme Jacob, Delacroix en gardera dans sa chair les stigmates. Ces marques vont lui être fatales. C'est le prix à payer, la dernière épreuve avant l'illumination.Il a connu le passage à vide, l'impuissance, la nuit obscure. Voici venu l'embrasement final.»
Une autre lutte
Cette chapelle et cette œuvre auront été vues sous tous les angles, de près, de loin, d’ailleurs, mentalement, à toutes les heures et en toutes saisons-l’expérience la plus singulière se situant au moment du tournage d'un documentaire. Kauffmann aura écouté les questions du curé, les remarques de son «ami» Léopold à qui il doit la découverte de l’œuvre, celles du cinéaste, les suggestions de David Shahar (la question de l'ange et du nom est là aussi présente). Même un audacieux funambule lui donne à méditer.
Il sait parler de la lance, de la peau de bête de Jacob, des ailes de l’ange, il souligne l’importance du défilé et des arbres, il insiste sur la dimension marine des couleurs. Il a scruté les déformations du tableau. Après une recherche fiévreuse, il trouve une ressemblance avec un erratique ange en bois retrouvé avec la complicité du sacristain. Il réfléchit à l’hypothèse de Léopold sur l’erreur initiale de Delacroix:au départ il croyait que l'espace qu'on lui confiait s’appelait chapelle des Fonts-Baptismaux et il s’était orienté sur le baptême «mais aussi le péché originel et l'expiation».
Il laisse résonner quelques questions lancinantes venues de la Bible et portées par le tableau:pourquoi vraiment ce combat au milieu du gué? Cette lutte est-elle simplement le combat de la chair et de l’esprit comme on le répète toujours? Faut-il en passer par une lecture augustinienne comme le suggère Léopold? Dans cette lutte, qui gagne? L’ange, envoyé de Dieu, peut-il échouer? Comment Jacob peut-il gagner? Y aurait-il match nul? Serait-ce un match entre complices mais pas truqué: « c’est la part insaisissable, irrévélée de ce duel. Car Jacob risque la mort («J’ai vu Dieu face à face et j’ai eu la vie sauve»)». L’ange le laisse-t-il gagner en lançant un clin d’oeil complice au spectateur? La leçon est-elle dans l’éloge de ceux qui combattent, coûte que coûte et prennent leurs responsabilités? Combattre Dieu, est-ce le reconnaître? Comment sait-on que le combat accepté est le bon? Existe-t-il de faux combats comme il y a de faux frères et de fausses routes?
Dans le récit de cette quête, soudain une accélération a lieu. Après la survenue de Léopold en compagnie de la conférencière «l’œil de Jacob attire [s]on attention.» Exorbité, bouleversé, effrayé. «Ce regard mauvais, dérangeant, porte toutes les puissances occultes de la peinture. La part diabolique de LA LUTTE n’est-elle pas enfermée dans cette œillade noire?
Ce point affolé au milieu du Yabbok change tout.. Et si, bien avant Gauguin dont LA VISION APRÈS LE SERMON contrefait l’épisode de la Genèse, Delacroix avait subverti la scène de l’Écriture? Ce ne serait pas la première fois.»(7)
la lutte cachée
«Je suis connu comme le loup blanc à Saint-Sulpice.(...)Au fond, je suis une sorte de Quasimodo de Saint-Sulpice, esprit claudicant et importun, pris d'une passion biscornue pour cette église-Esméralda.»
«Cessez de vous cacher derrière Delacroix»
On l’a compris. Cette lutte est aussi celle de Jean-Paul Kauffmann et ce récit est une quête de soi qui nous rend témoins d’éléments autobiographiques pudiques, parfois torturés et obscurs, toujours émouvants de sincérité interrogative.
Ici et là, le familier de Saint-Sulpice livre des éléments de son enfance: son éducation catholique, sa connaissance de la Bible et l’obsession du dévoilement pour la vérité qu'elle impose, sa foi, mais aussi sa rencontre de l’art, sa découverte du musée de Rennes, son goût ancien pour Rubens.
On connaît mieux Kauffmann, son regard tourné vers le passé, sa nostalgie, sa passion pour les archives mineures évoquant des êtres passés en laissant à peine des traces, son peu d’amour pour le contemporain et sa passion pour une France bientôt disparue.
Son besoin des espaces-sources quand bien même il sait qu'elles ne sont que substitutives....
On le suit dans ses visites et ses recherches: il va dans l’Argonne, au château de Croze, à Champrosay. Mais il revient toujours sur le lieu dont il parle si bien, l’église, le lieu labyrinthique et intime où se jouent des luttes inconscientes, des rivalités intestines, des carnages feutrés. Il confie sans réserves la fascination qu'exerce sur lui LA LUTTE, en particulier lors du tournage du documentaire qui lui offre un point de vue inédit sur le tableau. Son fantasme d’engloutissement, d’absorption par l’œuvre du «volcan Delacroix» est aussi fréquent que patent (8).Il ne méconnaît pas le mécanisme d'intro-projection, il devine qu'il offre beaucoup à la psychanalyse. Ainsi évoque-t-il un arbre de la forêt de Senart qui figure dans le tableau et dans le tronc duquel il a «le sentiment de [s]‘introduire dans la caverne interdite, d’entendre la fermentation du passé.» Il a l’impression d’être dans un bateau:«Dans ces moments-là, j’ai l’illusion de pénétrer dans les entrailles de la muraille sulpicienne, de me couler profondément dans le cours du temps, d’échapper au cauchemar de la LUTTE.» Auparavant, pour rechercher deux anges sculptés dans le bois, il a rendu visite à la crypte qui servit de cimetière (Madame de Lafayette, Armande Béjart, la Champmeslé, Montesquieu furent inhumés dans cet hypogée)): c’est selon lui le centre de Saint-Sulpice. Il avoue que “ce monde l’oppresse. Il ne cesse de [l]e tourmenter, peuplant [s]a vie nocturne. Mais pourquoi ces obsessions surgissent-elles à cet instant dans le soutènement du sanctuaire? Ces voix, ces soupirs, ces bêtes invisibles, ces salles closes, cette soufflerie...Un homme torturé criant dans la nuit, un bruit de chaînes, une plainte, le fracas des portes de fer, les pas de nos gardiens. Le paysage sonore s’évanouit, dessinant en creux le silence blanc de la geôle.»
Racontant une petite conférence donnée à Saint-Sulpice, il rappelle qu’il n’échappe jamais au regard porté sur lui, l’ex-otage: il l’assume, comme on dit. Il «accepte ce compagnon encombrant qui [lui] empoisonne la vie (...)». «C'EST MA ZONE SINISTRÉE.»(J'ai souligné). Quelqu'un, un autre prisonnier, un peintre délaissé, son tableau sinistré nous attendent encore.
Ce livre est aussi une confidence sur l’enfermement, choisi ou pas. Il insiste sur la dimension carcérale de la Chapelle pour son créateur et pour lui, son prisonnier volontaire devenu parfois son combattant. Il avoue: “oui, cette peinture est devenue à présent une épreuve, un tourment!”
«Cette prise de possession, je n'ai jamais cessé de la subir. Cette peinture me vole une partie de moi-même. Elle me vampirise. Je subis son emprise. Je n'ai pas choisi la prison des Saints-Anges. Je me suis fait coffrer bêtement, comme un innocent. On ne s'évade pas d'une geôle sans gardiens, sans barreaux.»
Jacob, un autre
L’ÉPILOGUE de ce texte hanté par l’incomplétude et l’inachèvement réserve une surprise. Après avoir suggéré que Delacroix avait choisi finalement un Jacob ironique et avait concentré son attention sur le seul moment de la question du nom ( «Révèle-moi ton nom, je te prie») et, secrètement, de la question de la paternité (il n’oublie pas d’évoquer UGOLIN ET SES FILS (1860)), Kauffmann confie qu’il s’est trompé en s’attachant au tableau de Delacroix.
Depuis le début de son récit, il nous a parlé de François-Joseph Heim qui décora la chapelle des Âmes du Purgatoire (inaugurée en 1842) non loin donc de la chapelle confiée plus tard à Delacroix qui ne parla jamais de lui ni de son tableau LA PRIÈRE POUR LES MORTS qui représente des anges et qui devint l’ombre aidant le lumineux tableau qu’est LA LUTTE: «Comme si LA LUTTE avait besoin de se charger, de prendre de l’énergie à LA PRIÈRE POUR LES MORTS.» Il est persuadé que des correspondances profondes existent entre les deux œuvres et regrette que personne ne prête attention à cette peinture séparée seulement par un mètre d’épaisseur de sa célèbre voisine et vouée à l'oubli quand elle ne tient pas lieu de débarras....
Kauffmann s’est donc peu à peu intéressé à Heim, devenu un illustre inconnu parce que son œuvre a perdu toute estime alors qu’il est encore bien présent au Palais-Bourbon et à l’hôtel de Lassay (mais qui le regarde?). Tardivement, le fidèle de Saint-Sulpice semble se détacher du Jacob de Delacroix et de sa lumière et se passionne pour ceux de Heim et va jusqu’à faire dégager d’un fonds du musée de Bordeaux une peinture reléguée, L’ARRIVÉE DE JACOB EN MÉSOPOTAMIE. Devant ce Jacob, il est persuadé d’avoir trouvé ce qu’il cherchait. Il voulait trouver le secret d’un peintre. Il rencontra enfin le secret d’un homme “qui s’est retrouvé un jour au royaume des ombres.” Heim l’auteur d’un tableau : LE PRISONNIER. En se rendant à Saint-Sulpice, à sa part d'ombre(s), Kauffmann aura trouvé son heim, son «foyer», son «chez-soi», la vérité de sa nuit. Il «suffisait», non de passer la muraille, mais d'en changer.... (9)
Modestie, censure inconsciente, vérité profonde avouée de la plus indirecte des façons? Tout à la fois sans doute. Rarement tableau aura été autant l’objet de confidences et de confessions. Les anges ont bien du travail...
Courons à Saint-Sulpice et relisons souvent cette grande œuvre modeste sur le Mal («sa duplicité fondamentale (...) qui déforme et transforme le monde»), sur la vacance, la vicariance, la substitution, la quête interminable et la mémoire des traces sans traces....
«Qui peut connaître les ressorts profonds du créateur, le flot confus des affaires intimes, des histoires familiales, toutes ces forces latentes, qu'il a métabolisées silencieusement pour les projeter dans son œuvre?»
Rossini, le 12 juillet 2013
NOTES
(1)«La représentation des anges n'est jamais innocente. On croit qu'ils sont destinés à faire de la figuration, histoire de meubler un sujet religieux.Erreur! Si l'ange est porteur de message, il n'est en aucune façon un comparse. Après la désobéissance d'Adam, Dieu a placé des chérubins pour surveiller, glaive à la main, l'entrée du jardin d'Éden. L'Ange est le gardien des portes derrière lesquelles se cache le secret. Présent au début de la genèse, après le désastre, il clôt aussi l'Apoacalypse remettant fermement à sa place l'apôtre Jean qui veut se prosterner à ses pieds.» (page 234)
(2)Il fait aussi un bel éloge de la poussière.
(3)Et de Sollers qui lui consacra un texte magnifique.
(4)Les clés abondent dans ce récit et dans la vie de Delacroix-la seconde partie de son Journal est nettement plus cadenassée.
«Cadenasser, telle a toujours été la conduite de l'auteur masqué des Femmes d'Alger-ne voyait-il pas dans l'acte sexuel une fermeture? Dissimuler la plaie profonde, verrouiller les chambres secrètes: Delacroix a eu beau dans la chapelle des Saints-Anges métamorphoser un obstacle en écran de feu, son Jacob a été plus fort que lui. LA LUTTE est un vrai déni en même temps qu'une parade magistrale. C'est une fin de non-recevoir. Tout le drame de Delacroix est contenu dans cette expression. C'est une fin, c'est un non, la cause est irrecevable.»
(5)Par un effet troublant de superposition, il rencontre le propriétaire de la maison de l'auteur du Jacob, peintre lui aussi, véritable double de Delacroix en fin de vie.
(6)Le parallélisme est souligné:«Il y a un côté extatique dans ces ultimes coups de pinceau. Sur la plate-forme des Saints-Anges, Delacroix est littéralement transporté, hors de soi.Centré et ramassé sur le principe même de sa peinture. En accord absolu avec LA LUTTE. On a l'impression qu'il est en lévitation, comme l'ange de Heim, de l'autre côté du mur. Dans cette fin qui préfigure étrangement sa propre mort, on le sent débordé par l'excès d'une force invisible.»
(7)Kauffmann songe au CHRIST AU JARDIN DES OLIVIERS dont il aurait détourné le sens (page 300).
(8)«La puissance d’absorption de cette chapelle est terrible».
(9)Nous lisons avec émotion la méditation sur ce qu'est un mur pour un prisonnier (page 210).